10/05/2025 ssofidelis.substack.com  24min #277455

« Un jour, Israël pourrait bien regretter le Hamas »

Dr Mohammed Al-Hindi, secrétaire général adjoint et négociateur politique en chef du Jihad islamique palestinien. Photo © Jeremy Scahill

Par  Jeremy Scahill, le 9 mai 2025

Un haut dirigeant du Jihad islamique palestinien, le deuxième mouvement de résistance armée le plus important à Gaza, a déclaré à Drop Site News qu'aucun autre prisonnier israélien ne serait libéré tant que les États-Unis et les médiateurs régionaux n'auraient pas contraint Israël à accepter un accord de cessez-le-feu prévoyant le retrait complet des forces israéliennes et la fin de son offensive militaire dans la bande de Gaza.

"Nous n'allons pas gâcher l'unique carte détenue par la résistance", a déclaré Mohammed Al-Hindi, secrétaire général adjoint et négociateur politique en chef du JIP, en référence aux 59 prisonniers israéliens, vivants ou morts, détenus à Gaza.

"Les conditions de la résistance sont les suivantes : nous sommes prêts à mettre en œuvre un accord global, à savoir la libération de tous les prisonniers détenus à Gaza en échange de la fin de la guerre et du retrait de Tsahal".

Quand le Hamas mène les négociations indirectes avec Israël pour un accord sur Gaza, le Jihad islamique palestinien est consulté avant toute réponse officielle aux médiateurs du Qatar et de l'Égypte.

Al-Hindi a déclaré que si le Hamas et le JIP préfèrent un accord global "tout pour tout", ils restent ouverts à un cadre qui

"pourrait être mis en œuvre par étapes - un accord global et clair, afin de tenir compte de certaines tensions au sein d'Israël".

Depuis le début des années 1980, Al-Hindi est une figure centrale du Jihad islamique palestinien. Pédiatre de formation, il a œuvré au début de sa carrière à l'hôpital Al-Shifa de Gaza. Al-Hindi a été emprisonné pendant un an durant la première Intifada, puis à plusieurs reprises par le gouvernement israélien et l'Autorité palestinienne. En 2004, des hélicoptères israéliens ont tiré plusieurs missiles sur le bureau d'Al-Hindi à Gaza, dans ce qui a été largement considéré comme une tentative d'assassinat. Al-Hindi est le chef du département politique du JIP, et le principal adjoint de son secrétaire général, Ziyad Al-Nakhalah.

Al-Hindi a dirigé la délégation du JIP lors des pourparlers qui ont abouti à un cessez-le-feu négocié par l'Égypte en mai 2023 entre le groupe et Israël. Ce cessez-le-feu a marqué l'aboutissement d'un conflit débuté en août 2022, lorsque Israël a assassiné plusieurs hauts responsables du JIP à Gaza. La branche armée du mouvement, Saraya Al Quds, a riposté par des tirs de roquettes. Israël a alors bombardé Gaza et mené des raids en Cisjordanie occupée. Le Hamas n'a pas pris part à ce conflit, mais a salué le JIP pour avoir "défendu le peuple palestinien". Al-Hindi et plusieurs hauts responsables du Hamas ont déclaré que les relations entre le Hamas et le JIP sont désormais plus solides que jamais.

Dans un entretien exclusif de deux heures accordé à Drop Site, Al-Hindi a déclaré qu'au cours des deux mois qui ont suivi le retrait unilatéral d'Israël de l'accord de cessez-le-feu signé en janvier et garanti par les États-Unis, Israël a inondé le Qatar et l'Égypte et les médiateurs régionaux de l'accord, d'une vague de nouvelles exigences dont il est sûr que le Hamas et les autres groupes de résistance rejetteront. Parmi celles-ci figurait le désarmement total non seulement du Hamas, mais aussi de toute la bande de Gaza, ainsi que l'expulsion des dirigeants de la résistance palestinienne de l'enclave.

"Le plus gros problème pour les Israéliens est la question des armes. Le désarmement est une question que personne ne peut accepter, ni la résistance ni le peuple palestinien", a déclaré Al-Hindi. "Si la résistance prend fin avec la reddition des armes, ils mettront en œuvre le déplacement forcé des Palestiniens hors de Gaza".

Un projet de proposition présenté récemment au Hamas par les médiateurs égyptiens,  obtenu par  Drop Site, autorisait également la présence illimitée des forces israéliennes à l'intérieur de Gaza et ne prévoyait aucune voie clairement définie vers une trêve à long terme.

"Ce qu'Israël a tenté d'obtenir par ces négociations, c'est la libération des prisonniers détenus par la résistance, sans mettre fin à la guerre", a-t-il déclaré. Un peu comme si [Israël] disait : "Le peuple de Gaza et la résistance à Gaza sont condamnés à mort, mais nous voulons d'abord récupérer nos otages pour pouvoir exécuter cette sentence".

Un nouveau sondage d'opinion, mené par le Centre palestinien indépendant pour la recherche politique et les sondages, a révélé un soutien important à Gaza et en Cisjordanie pour la position de négociation du Hamas.

"La grande majorité des Palestiniens pense que la guerre ne prendra pas fin et qu'Israël ne se retirera pas de la bande de Gaza si le Hamas accepte de désarmer", a conclu le sondage publié le 5 mai. "De même, la grande majorité rejette l'idée selon laquelle Israël mettra fin à la guerre et se retirera de la bande de Gaza si le Hamas libère les otages".

"La colère qui s'est accumulée chez les Palestiniens est immense et peut exploser à tout moment".

Al-Hindi a expliqué que les promesses du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d'éliminer le Hamas et de faire capituler la résistance palestinienne sont fantaisistes. Il a ajouté que le génocide à Gaza et l'intensification des opérations de nettoyage ethnique en Cisjordanie peuvent sembler des succès tactiques pour Netanyahu, qui a fait de l'éradication des Palestiniens le programme de toute sa carrière, mais que se concentrer sur les 19 derniers mois occulte les incendies à venir.

"La résistance est dans l'ADN du peuple palestinien, il ne se rendra pas", a déclaré Al-Hindi. "Il se peut qu'un jour Israël regrette le Hamas. La colère qui s'est accumulée chez les Palestiniens est immense, et peut exploser à tout moment. Et pas seulement présente parmi le peuple palestinien, mais aussi parmi ceux de la région et les peuples libres du monde entier. On peut ressentir de la colère, une grande colère. Israël n'a plus le monopole de l'image de la victime : il est désormais considéré comme le bourreau. Ces problèmes, l'arrogance et la fierté, aveuglent parfois les gens et les empêchent de voir la réalité et d'agir rationnellement".

Al-Hindi pense que Netanyahu veut s'emparer de toute la bande de Gaza, comme Israël l'a officiellement annoncé cette semaine, et expulser les Palestiniens du territoire, et que les condamnations internationales, les décisions des tribunaux internationaux et les mandats d'arrêt n'ont eu aucun effet dissuasif.

"Israël n'est influencé que par des facteurs internes et par l'administration américaine", a déclaré Al-Hindi, soulignant la pression publique croissante en Israël pour conclure un accord qui libère les prisonniers israéliens.

"Cela pose un problème au gouvernement israélien : comment récupérer les prisonniers sans entrer [à Gaza] et aller les chercher ? Si l'armée entre, elle subira des pertes", a-t-il déclaré. "Voilà pourquoi ils recourent aux bombardements aériens et terrestres. Ils bombardent des zones, mais sans récupérerleurs otages".

Al-Hindi dit que, bien qu'il soit certain que les négociateurs du Hamas ne concluront pas d'accord sans mettre fin au génocide, il pense qu'Israël sera finalement contraint de faire des concessions. Les objectifs de guerre de Netanyahu pourraient perturber l'agenda régional de Trump et le désir du président américain d'être considéré comme un négociateur capable de mettre fin aux guerres de l'ère Biden.

On peut également observer une agitation croissante au sein de la population israélienne et des demandes généralisées pour qu'un accord soit conclu afin de libérer les prisonniers restants.

"Les pressions internes en Israël, ainsi que celles exercées par l'administration américaine, qui peut exercer une certaine influence, pourraient aboutir à un accord, même partiel", a-t-il déclaré. "Trump a fait de nombreuses promesses, que ce soit concernant la guerre et la fin des combats à Gaza, ou la guerre en Ukraine, mais il n'a jusqu'à présent tenu aucune de ses promesses".

"Israël veut un exode"

Alors que Trump va se rendre au Moyen-Orient la semaine prochaine pour rencontrer les dirigeants arabes dans le cadre d'une tournée régionale en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis, son administration est engagée dans une série d'activités diplomatiques visant à donner l'apparence d'efforts américains pour promouvoir la stabilité régionale.

"Le président Trump vient pour collecter des fonds auprès des Émirats et de l'Arabie saoudite. Il souhaite donc parvenir à une stabilité relative dans la région",

selon Al-Hindi. L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont récemment annoncé investir chacun plus de 1 000 milliards de dollars aux États-Unis, notamment dans d'importants contrats d'armement.

Suite à l'annonce récente par Trump d'un  accord de cessez-le-feu avec Ansar Allah, également connu sous le nom de Houthis au Yémen, et au début des négociations américaines avec l'Iran, les responsables israéliens sont de plus en plus préoccupés par les intentions de Trump pour Gaza.

"Dans le cadre de la réconciliation à venir avec tous les acteurs de la région avant la visite de Trump, nous pourrions nous retrouver dans le rôle de l'agneau, et l'odeur du barbecue flotte déjà dans l'air",

a déclaré jeudi Amit Halevi, membre de la Knesset et allié de Netanyahu, dans un message publié sur Telegram.

Ha'aretz a rapporté vendredi que l'administration Trump "exerce une forte pression" sur Netanyahu pour qu'il signe un accord avec le Hamas avant la visite de Trump, prévue pour le 13 mai.

Al-Hindi et de hauts responsables du Hamas ont déclaré à Drop Site que les groupes de résistance palestiniens n'accepteront pas une trêve trêve, conclue à la hâte pour permettre à Trump de se faire photographier au Moyen-Orient.

"On assiste à des tentatives désespérées, avant la visite du président Trump, pour imposer un accord partiel par des tactiques de famine, de génocide continu et de menaces d'escalade des opérations militaires", a déclaré Basem Naim, membre du bureau politique du Hamas. "Nous affirmons que ces tentatives ne parviendront pas à briser la volonté de notre peuple ni sa résistance, et qu'elles ne nous contraindront pas à renoncer à la condition la plus essentielle : la garantie que la guerre est finie".

Al-Hindi a souligné que l'accord initial signé entre le Hamas et Israël le 17 janvier a été négocié pendant plusieurs mois et  officiellement accepté par le Hamas et d'autres factions palestiniennes le 2 juillet 2024. Initialement présenté comme le "plan Biden" et approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU en juin dernier, cet accord en trois phases était pratiquement identique aux termes stipulés dans l'accord de janvier, signé quelques jours avant l'investiture de Donald Trump.

Durant la deuxième phase de l'accord, Israël devait retirer tous ses effectifs de Gaza, et tous les prisonniers israéliens restants devaient être libérés en échange d'un grand nombre de Palestiniens détenus dans les prisons et autres structures israéliennes. La troisième phase de l'accord prévoyait un effort de reconstruction pluriannuel à Gaza. Dès le début, Netanyahu a clairement indiqué ne pas avoir l'intention de respecter l'accord, le présentant comme un accord en une seule phase visant à libérer le plus grand nombre possible de prisonniers avant de reprendre la guerre.

Au cours des deux mois suivant sa violation unilatérale de l'accord de cessez-le-feu, Israël a imposé un blocus total de toutes les vivres, du carburant et autres fournitures entrant à Gaza. Le 18 mars, Israël a repris ses bombardements terroristes sur Gaza, tuant plus de 2 400 Palestiniens, pour la plupart des femmes et des enfants. Israël a affirmé que la reprise des frappes aériennes et des incursions terrestres vise à forcer le Hamas à se rendre à ses nouvelles exigences, à libérer sans condition tous les prisonniers israéliens et à déposer les armes.

"Israël espère qu'en augmentant la pression - affamer la population, bombarder et tuer sans discernement - il poussera la Résistance à libérer tous les prisonniers",

a déclaré Al-Hindi, ajoutant que cela "n'a eu aucun effet" sur la position du Hamas dans les négociations.

Ces derniers jours, Trump a fréquemment déclaré aux journalistes faire pression sur Netanyahu concernant la catastrophe humanitaire à Gaza, affirmant que les États-Unis œuvrent à un plan pour acheminer de quoi manger et d'autres formes d'aide dans l'enclave. S'adressant aux journalistes après un appel téléphonique avec Netanyahu le 25 avril, Trump a déclaré qu'il lui at dit :

"Nous devons être bons avec Gaza parce que les gens - ces gens - souffrent". Trump a ajouté : "Il y a un besoin vital en médicaments, en nourriture... Nous nous en occupons".

Les Nations unies et une coalition de 20 organisations humanitaires ont récemment dénoncé la proposition d'Israël de fournir une aide limitée et soumise à des restrictions sévères. Dans une lettre commune, les organisations humanitaires ont déclaré que les plans d'Israël créent des "conditions d'internement de facto" à Gaza. La semaine dernière, Israël a laissé entendre qu'il pourrait chercher à établir des zones militarisées à l'intérieur de Gaza où des entrepreneurs privés, dont potentiellement ceux d'une entreprise américaine, distribueraient des vivres selon un processus comprenant des contrôles de sécurité très restrictifs et des quantités contrôlées en calories.

"Les Israéliens feront peut-être quelque chose de ce genre, mais pas pour protéger les Palestiniens de la mort par famine", a déclaré Osama Hamdan, un haut responsable du Hamas, dans une interview accordée à Drop Site. "Ils pourraient faire cela pour se protéger, car ils sont actuellement sous pression de toutes parts. 'Vous tuez les Palestiniens, vous commettez un génocide. Il y a une situation de famine à Gaza. Vous n'avez pas le droit de laisser cela se produire'".

Hamdan a accusé Israël d'utiliser toute aide limitée qu'il offre "à des fins de propagande".

L'administration Trump semble toutefois aller de l'avant avec son propre plan de prise en charge de la distribution de l'aide, et dans l'optique plus large de mettre fin à la guerre, ce qui pourrait contrarier le plan déclaré de Netanyahu à Gaza. Cette initiative serait menée par une "fondation" non gouvernementale  nouvellement créée impliquant des sociétés de sécurité privées, d'anciens officiers de l'armée américaine et des responsables de l'aide humanitaire.

L'ambassadeur américain Mike Huckabee a déclaré vendredi aux journalistes que le plan de Trump pour distribuer l'aide ne dépend pas d'un cessez-le-feu ou d'un accord plus large.

"Les États-Unis n'ont pas à dire à Israël ce qu'ils vont faire", a déclaré Huckabee. "Israël n'a pas à nous dire ce qu'il compte faire". » Il a ajouté que si les forces israéliennes assurent la "sécurité" pendant la distribution, elles ne participeraient pas à la distribution de l'aide.

"Le président Trump a appelé à des solutions créatives qui garantissent la paix, protégent Israël, désarment le Hamas et aideraient les Gazaouis", a déclaré jeudi la porte-parole du département d'État, Tammy Bruce, aux journalistes. "Grâce au leadership inspirant [de Trump], nous sommes à deux doigts de cette solution, de pouvoir livrer l'aide et la nourriture".

Le Hamas a déclaré ne pas être informé de ces plans et qu'il n'a pas participé aux négociations sur les conditions de distribution de l'aide.

"Nous ne participons pas à toutes ces discussions. Tout cela reflète les différends entre les deux alliés, les Israéliens et les Américains", a déclaré Naim, haut responsable du Hamas, dans une interview. "Israël continue d'instrumentaliser la faim et la famine comme armes de guerre. Trump n'est pas parvenu à conclure d'accord de cessez-le-feu avant sa visite dans la région, et veut donc faire un geste pour améliorer l'image de son administration dans cette région. Il veut imposer un mécanisme d'aide humanitaire à Gaza malgré le rejet des Israéliens".

Naim a ajouté que "les deux visions de la distribution de l'aide signifient encore que cette aide soit totalement contrôlée par les Israéliens et d'autres sociétés de sécurité, liées d'une manière ou d'une autre aux Israéliens, et cela ne résoudra pas le problème".

Alors que Trump s'engage à acheminer l'aide à Gaza, Israël a annoncé cette semaine son intention de s'emparer de l'ensemble de la bande de Gaza. Selon des responsables israéliens, l'objectif de cette annonce est de contraindre le Hamas à accepter un accord de cessez-le-feu aux conditions de Netanyahu avant le départ de Trump du Moyen-Orient. L'opération "Gideon's Chariot", affirment les responsables israéliens, débutera après la fin de la tournée de Trump au Moyen-Orient si aucun accord n'est conclu avec le Hamas. Elle aura pour but "la conquête de la bande de Gaza" et l'occupation illimitée de toute l'enclave. Selon le brigadier général Efi Dufferin, porte-parole en chef de l'armée israélienne, l'opération comprendra des attaques "à grande échelle", le démantèlement des infrastructures et le déplacement forcé de centaines de milliers de Palestiniens vers le sud de la bande de Gaza.

"Gaza sera entièrement détruite, les civils seront envoyés [...] vers le sud, dans une zone humanitaire sans Hamas ni terrorisme, d'où ils commenceront à partir en grand nombre vers des pays tiers",

a déclaré le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich.

Fin mars, Netanyahu a présenté ce qu'il a appelé la "phase finale" de son agression génocidaire.

"Le Hamas déposera les armes. Ses dirigeants seront autorisés à partir. Nous veillerons à la sécurité générale dans la bande de Gaza et permettrons la mise en œuvre du plan Trump pour la migration volontaire",

a déclaré Netanyahu à son cabinet, faisant référence à la menace de Trump de s'emparer de Gaza et d'expulser les Palestiniens de leurs terres. "Tel est le plan. Nous ne nous en cachons pas". Après avoir lancé sa proposition de "Riviera du Moyen-Orient" lors de la visite de Netanyahu à la Maison Blanche début février, Trump a largement cessé d'en parler publiquement, et les responsables de son administration ont indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une discussion sérieuse en interne. Netanyahu, cependant, a embrassé le concept, faisant du retrait total des Palestiniens de Gaza un élément central de sa vision déclarée.

"Pour quiconque observe ces actions, il semble qu'il n'y ait aucune volonté de formuler des objectifs et des stratégies viables", a déclaré Al-Hindi. "Israël veut un exode, et même maintenant, certains responsables gouvernementaux disent : 'Nous mettons en œuvre le plan Trump', même si Trump lui-même y a renoncé. De leur point de vue, la solution au problème de Gaza est le déplacement forcé".

Al-Hindi a réaffirmé que le Hamas et le Jihad islamique palestinien sont prêts à conclure une trêve à long terme avec Israël - hudna, en arabe. Le Hamas a récemment proposé aux médiateurs régionaux un plan détaillé prévoyant un accord de cinq à sept ans prévoyant l'échange de tous les prisonniers israéliens contre des Palestiniens détenus par Israël, et le retrait complet de toutes les forces israéliennes de Gaza. Dans le cadre d'un tel accord global, a suggéré Al-Hindi, il serait possible d'envisager toute une série de concessions que la partie palestinienne serait disposée à offrir.

"La question de la hudna est importante, car il s'agit d'armes. Durant une hudna, les armes sont mises de côté et ne sont pas utilisées. Ce concept de hudna pourrait être proposé comme solution à la question des armes", a-t-il précisé. "La question du pouvoir du Hamas à Gaza, par exemple, pourrait également être discutée".

Le JIP soutiendrait la formation d'un organe directeur post-guerre assumant la responsabilité de la bande de Gaza, a déclaré Al-Hindi. Le Hamas a déclaré qu'il se retirerait du pouvoir à Gaza dans le cadre d'un accord mettant fin au génocide. L'Égypte et l'Autorité palestinienne, l'adversaire juré du Hamas et du JIP, ont proposé la création d'organismes indépendants chargés de prendre les rênes à Gaza dans le cadre d'un accord à long terme avec Israël.

"Nous n'avons aucune objection à la formation d'un tel comité", a déclaré Al-Hindi. "Cela ne nous pose aucun problème, car tout candidat devra de toute façon être approuvé par Israël. Ce qui importe, c'est qu'ils gouvernent le pays".

Historiquement, le Jihad islamique palestinien a toujours été plus présent en Cisjordanie occupée qu'à Gaza, en particulier dans les régions nord de Naplouse, Tulkarme et Jénine. Alors qu'Israël menait son offensive génocidaire contre Gaza, il a considérablement intensifié ses opérations de nettoyage ethnique en Cisjordanie. En août 2024, Israël  a lancé sa plus grande opération militaire en Cisjordanie depuis 2002 dans le cadre d'une  campagne d'attaques connue sous le nom d'opération "Summer Camps". En janvier, avec la  coopération de l'Autorité palestinienne, les forces israéliennes ont lancé des  attaques majeures contre les brigades de la résistance, saisissant des armes, tuant ou capturant des combattants et procédant à la destruction généralisée de maisons et d'infrastructures. Israël a également mis en œuvre sa campagne d'expulsions forcées la plus vaste. Depuis janvier, plus de 40 000 Palestiniens ont été expulsés de leurs maisons, constituant le plus grand déplacement de population en Cisjordanie depuis 1967. Les attaques menées par des colons armés soutenus par le gouvernement et l'armée israéliens ont facilité la confiscation de terres et la construction illégale de colonies.

"Ce n'est pas nouveau, et cela n'a rien à voir avec le 7 octobre", a déclaré Al-Hindi. "Ce plan existait déjà durant les élections [israéliennes] avant le 7 octobre, et c'est sur cette base qu'ils ont gagné".

Au cours des 30 années qui ont suivi la signature des accords d'Oslo, a déclaré Al-Hindi,

"la seule constante dans la politique israélienne a été les colonies en Cisjordanie et la confiscation des terres, qu'il y ait négociation ou non. Aujourd'hui, ils accélèrent le processus". Il a ajouté qu'il existe "un quasi-consensus en Israël : pas d'État palestinien en Cisjordanie et à Gaza".

Tout en reconnaissant que les factions de la résistance ont subi de graves préjudices, Al-Hindi a prédit que "l'esprit du peuple de Cisjordanie sera plus uni que jamais autour de la résistance". Malgré 19 mois de bombardements incessants et d'attaques terrestres israéliennes à Gaza, Al-Hindi a déclaré que les forces Saraya Al Quds du JIP sont prêtes à poursuivre.

"Je pense que le moral des combattants [de la résistance] n'a pas fléchi, bien au contraire", a-t-il déclaré. "Les combattants sont témoins des crimes commis par Israël : leur maison a peut-être été détruite, leur famille et leurs enfants ont peut-être disparu. Ils sont donc très remontés et prêts à se battre à tout moment".

"Je pense qu'Israël est en train de perdre"

Alors que Trump se rend au Moyen-Orient, il annonce une fois de plus son intention de pousser davantage d'États arabes à conclure des accords de normalisation avec Israël. Durant son premier mandat, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan ont tous rejoint les accords dits "d'Abraham". L'Égypte et la Jordanie ont depuis longtemps signé des traités de paix avec Israël.

Le 21 janvier, au lendemain de son investiture, Trump s'est dit confiant quant à la normalisation des relations avec l'Arabie saoudite.

"Je ne pense pas devoir les pousser beaucoup", a-t-il déclaré. "Je pense que l'Arabie saoudite finira par rejoindre les accords d'Abraham". Lorsqu'on lui a demandé si cela se produirait cette année, Trump a répondu : "C'est possible, bientôt".

La chaîne israélienne Channel 12 a rapporté jeudi que l'envoyé spécial de Trump, Steve Witkoff, a récemment déclaré aux familles des otages israéliens détenus à Gaza que

"le président Trump est déterminé à aller de l'avant vers un accord significatif avec l'Arabie saoudite, même sans la participation d'Israël",

suggérant que Netanyahu fait obstacle à un accord avec Gaza.

Trump et Israël considèrent tous deux la normalisation avec l'Arabie saoudite comme un accord précieux, estimant qu'elle peut ouvrir la voie à de nombreux autres pays musulmans. Les Saoudiens ont laissé entendre être ouverts à la proposition, mais ont déclaré publiquement que le royaume n'entrerait pas dans un processus de normalisation sans une solution claire et irrévocable vers la création d'un État palestinien.

Al-Hindi a déclaré que ces accords de normalisation avec Israël - et le sentiment largement répandu dans la région que les gouvernements arabes ont gardé le silence alors qu'Israël a tué des dizaines de milliers de civils palestiniens à Gaza - augmentent le risque de conséquences imprévisibles tant parmi les populations arabes qu'au sein du Moyen-Orient dans son ensemble.

"Même si ces régimes ne tombent pas, les gens continueront à nourrir une grande colère. Dans les régimes dictatoriaux, les gens n'ont pas le droit d'exprimer leur colère, même si parfois le simple fait de l'exprimer aide à la soulager. Cette colère reste donc refoulée et finira par exploser à un moment ou à un autre", a-t-il déclaré. "Les tensions mondiales actuelles persisteront longtemps, mais dans cette région, elles seront encore plus fortes en raison des massacres commis par Israël".

Al-Hindi confie que le JIP n'a pas participé à la planification préalable des attaques du 7 octobre, mais que ses forces ont été fières de s'être jointes au Hamas dans cette opération. Il a déclaré que les attaques, connues sous le nom d'opération "Al Aqsa Flood", ont révélé l'objectif central d'Israël, à savoir anéantir toute perspective d'État palestinien en soumettant son peuple à un choix entre l'expulsion, l'asservissement ou la mort. L'agression génocidaire contre Gaza, qui a tué plus de 60 000 Palestiniens, a exposé la réalité à laquelle les Palestiniens sont confrontés depuis 76 ans, depuis le début de la Nakba en 1948.

"Le monde entier est témoin de ces sacrifices et réfléchit à la question palestinienne, qui était presque oubliée, sur le point de disparaître", a-t-il déclaré. "L'histoire œuvre contre Israël, en raison de son arrogance, de son orgueil démesuré et de la force excessive qu'il utilise contre le peuple palestinien et toute la région. Lorsqu'un État perd pied, perd la raison et agit sous le coup de l'émotion, de la colère et de la vengeance, cela n'augure rien de bon ni pour son avenir, ni pour sa stabilité". Il a ajouté : "D'un point de vue historique, je pense qu'Israël est en train de perdre, tandis que la cause palestinienne progresse".

D'après Al-Hindi, les discussions sur une "solution à deux États" menées par les gouvernements occidentaux sont désormais presque totalement hors de propos.

"Il y a près d'un million de colons en Cisjordanie et à Jérusalem. Qui va les expulser ? Trump ?", a-t-il demandé en riant. "Personne ne les expulsera. Ils implantent des colonies et promulguent des lois racistes qui leur donnent des terres, ils s'étendent chaque jour davantage, ce qui signifie que personne ne peut les expulser".

"D'un point de vue historique, je pense qu'Israël est en train de perdre, tandis que la cause palestinienne progresse".

Al-Hindi dit considérer les appels de l'Union européenne et les décisions des tribunaux internationaux - sur l'illégalité de l'occupation de la Cisjordanie et l'expansion des colonies par Israël - comme sans lien avec les événements sur le terrain.

"Quant aux voix européennes appellant à une solution à deux États, elles sont marginales et n'ont aucune valeur. Toute l'Europe est devenue marginale aujourd'hui", a-t-il déclaré. "C'est l'administration américaine et Trump qui ont livré Jérusalem et l'ont reconnue [comme capitale d'Israël], et on peut s'attendre à ce qu'il livre également la Cisjordanie. Par conséquent, en Cisjordanie, Israël poursuit la confiscation des terres et l'expansion des colonies, avec d'inévitables futurs conflits dans cette région".

Depuis 2017, la position officielle du Hamas est qu'il ne s'opposera pas à une solution à deux États sur la base des frontières d'avant la guerre de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, une position réitérée par de hauts responsables du Hamas dans des interviews récentes accordées à Drop Site. Mais Al-Hindi déclare que même si un large consensus parmi les Palestiniens était favorable à un tel arrangement, les administrations démocrates et républicaines ont facilité le programme maximaliste d'Israël à tel point que la discussion a été vidée de tout son sens.

"Cette soi-disant 'solution à deux États' n'est qu'une invention israélienne, commercialisée par les États-Unis, qui n'a pas pour but d'être mise en œuvre, mais plutôt de saper la résistance palestinienne de 1987",

explique Al-Hindi, faisant référence à la première intifada palestinienne, qui s'est étendue jusqu'à la signature des accords d'Oslo en 1993.

"La solution à deux États n'est pas viable. On peut constater un consensus au sein d'Israël, de l'extrême droite à l'extrême gauche, contre l'idée d'un État palestinien en Cisjordanie. Par conséquent, cette solution à deux États est israélienne et totalement inutile. Israël a créé deux États : un État en 1948 pour les Juifs et un État en 1967, également pour les Juifs".

Une résolution juste, selon le JIP, serait la création d'un État démocratique sur l'ensemble des terres de la Palestine historique, qui englobe également le territoire de l'État moderne d'Israël.

"Actuellement, les Palestiniens entre le fleuve et la mer sont majoritaires", a déclaré Al-Hindi. "À tous égards, si vous voulez parler d'un État démocratique et pluraliste, et de citoyenneté, nous y sommes prêts et cela ne nous pose aucun problème, mais ils n'ont pas le droit de nous gouverner et de nous contrôler.

"Nous n'avons aucun problème avec les Juifs en tant que Juifs. Nous pouvons vivre avec eux, et ils peuvent vivre avec nous", a-t-il ajouté. "Mais ce sont les habitants de cette terre qui doivent la gouverner, et non une situation où nous sommes esclaves et eux maîtres. C'est inacceptable à tous égards, même au niveau démocratique et électoral".

Al-Hindi reconnaît que le scénario le plus probable dans un avenir prévisible sera le maintien du statu quo. Un accord de cessez-le-feu pourrait être conclu à Gaza et les États-Unis pourront donner l'impression d'essayer de freiner certaines des agressions d'Israël en Cisjordanie. Les gouvernements arabes feront la promotion de leurs plans de paix et de leurs idées de reconstruction pour Gaza, et les diplomates occidentaux organiseront des conférences, des sommets et des réunions. Mais sans solution à long terme permettant aux Palestiniens d'obtenir un État jouissant des mêmes droits que toutes les autres nations, la résistance palestinienne ne disparaîtra pas, selon lui.

"Je pense que ce conflit sera long et ne cessera pas. Il est lié aux changements dans le monde et dans la région. Et à moins que le peuple palestinien n'obtienne ses droits, ce conflit sera marqué par de nombreux bains de sang", a-t-il déclaré. "Israël a recours à toutes ces méthodes sans avoir à rendre de comptes. Il croit que la puissance, l'arrogance et le racisme dicteront ce conflit, mais ce type d'approche a toujours échoué au fil du temps".

Traduit par  Spirit of Free Speech

Drop Site News : Jawa Ahmad, chercheur sur le Moyen-Orient, a contribué à cet article.

Drop Site News

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